Les réactions de nos proches face au Trouble du Spectre Autistique

Publié le par Ketrichen

Les réactions de nos proches face au Trouble du Spectre Autistique

Bonjour à tous,

Comme vous le savez, j’ai été diagnostiquée avec un TSA il y a quelques mois. C’est véritablement une expérience intense. D’un côté, ça a été assez traumatique parce que je ne m’y attendais pas du tout et en même temps, c’est un immense soulagement de comprendre enfin pourquoi je me vivais à ce point comme une extra-terrestre. Je suis aussi très heureuse de découvrir les différences entre les personnes HPI et les personnes TSA + HPI.

Maintenant que je commence à avoir un peu de recul, je vais pouvoir vous parler des réactions de mes proches face au diagnostic. Je pense qu’on peut tous avoir des attitudes blessantes par maladresse c'est pourquoi je me suis dit qu’un petit explicatif pourrait être bienvenue.

Voici plusieurs réactions auxquelles j’ai fait face et qui ont été particulièrement désagréables :

  • "Ah bon, tu es autiste ? Ca m’étonne quand même !"
  • "Non mais qui t’a fait ce diagnostic ? Parce que j’entends ça partout maintenant, c’est du grand n’importe quoi !"

Ces opinions sont très désagréables à entendre parce qu’elles nient la réalité d’un quotidien très difficile depuis des années et des années. C’est un petit peu comme si elles disaient : « Ta souffrance n’existe pas. C’est du cinéma. » Je crois que je n’ai pas besoin de préciser à quel point la négation de la souffrance de quelqu’un est un positionnement violent.

  • "Tu sais, j’ai vu un film sur les personnes asperger et franchement, c’est pas très problématique en fait. Ne t’inquiète pas ce n’est rien du tout."
  • "C’est génial alors ! Du coup, maintenant, tu sais ce que tu as finalement. Tu dois être tellement contente!"
  • "On est tout un peu autiste, tu ne crois pas ?"

Quand on explique à quelqu'un qu’on vient d’avoir un diagnostic de TSA, on ne demande pas une expertise, ni un conseil. Ce qu’on attend en premier lieu, je pense c’est surtout de l’écoute et de l’ouverture. S’entendre dire que « c’est génial » ou que « ça va être trop simple », ce n’est pas une option. J’entends qu’on peut se sentir démunie face à ce type de révélation. Cependant, si vous voulez rassurer la personne qui vous parle de son diagnostic, ce n’est pas en minimisant ce qu’elle vit ou va vivre que vous allez atteindre votre objectif mais plutôt en lui assurant votre soutien et votre présence.

Vous pouvez tout simplement lui dire que vous êtes là pour elle pour en parler si elle le souhaite et lui demander également si elle a des besoins spécifiques en raison de cette caractéristique. (Je pourrais dire : "en raison de son handicap" parce que moi, je vis mon TSA comme un handicap mais je sais que d’autres personnes ne le vivent pas ainsi. Cependant le statut de Reconnaissance Qualité Travailleur Handicapé est accordé suite à un diagnostic Asperger et souvent, nous avons besoin d’aménagements particuliers. )

Autre réaction :

  • "Alors du coup, ça consiste en quoi exactement ?" 

Ca consiste en quoi ? C’est-à-dire ? C’est très compliqué de répondre à cette question tout simplement parce que ce n’est pas parce que nous avons un TSA que nous sommes des spécialistes du TSA. A priori, on pensait que tout le monde fonctionnait comme nous, donc c’est compliqué de se rendre compte que ce n'est pas le cas. Pour nous aussi, il nous faut apprendre le fonctionnement des non-autistes et comprendre en quoi il est diffèrent du nôtre. Un peu comme si je vous demandais (si vous êtes non autiste) « Alors, ça consiste en quoi ton fonctionnement ? ». C’est très compliqué de répondre à cette question.

Je peux vous dire que le TSA impacte principalement la sphère de la communication, des interactions verbales et non verbales mais je ne suis pas qualifiée pour répondre à d'autres questions. Personnellement, ce qui me toucherait vraiment c’est que mes proches prennent le temps de se renseigner par eux-mêmes. Il existe des tas de vidéos, des livres etc sur ce sujet. (Je mettrais des liens sur le blog au fil de mes découvertes.) C’est vraiment très difficile de communiquer sur le fait qu’on communique « mal ». Vous comprenez le problème?

Ce que je vis moi au moment où je parle de mon diagnostic c’est qu’un psychiatre vient de poser des mots et une explication sur un tas de différences et de difficultés que je vis depuis toujours et que ces difficultés ne vont pas s’en aller car le TSA ne se soigne pas. C'est un Trouble Envahissant du Développement, soit un fonctionnement neurologique particulier. Il faut apprendre à vivre avec, point final. Ce que je vis aussi c’est que je suis complètement perdue et même si ce diagnostic m’éclaire  et même s’il me soulage, il faut quand même que je l’encaisse et que je l’intègre car mon identité vient de changer, mon rapport à moi-même est en train de changer et c'est énorme.

Ce qui est difficile quand on communique avec un non-autiste sur le TSA, ce sont toutes les angoisses ou les questions que cela peut générer chez lui. Par exemple, Le non-autiste a besoin de se rassurer sur le fait que je suis toujours la même personne, que je suis toujours celle qu’il connait ou pense connaître ou encore : il veut savoir si lui ou une des personnes proches de lui pourrait être concernée par le TSA. Il peut aussi refuser tout net de changer l’image qu’il a de moi parce qu’il est inconfortable avec ça.

Cela peut engendrer ce type de discours :

 Par exemple :

  1. « Ah mais je n’aurais pas repéré ça chez toi, alors que je te connais depuis si longtemps ? Hummmm. Ca m’étonnerait ! Est-ce que tu ne souffrirais pas du syndrome de Peter pan par hasard ? » « Heu non, comme je viens à l’instant de te le dire, j’ai un Trouble du Spectre Autistique, c’est déjà pas mal. » Ou alors :
  2. « Mais moi aussi j’ai des problèmes de communication, si ça se trouve, moi aussi, j’ai ça. Ce serait affreux ! Toi, tu connais mon conjoint, tu penses qu’il a un TSA ? » Ou alors :
  3. « C’est un bon professionnel qui t’a fait ce diagnostic parce que franchement, je n’y crois pas une seconde. »  Ou encore :
  4. « Mais est-ce que tu ne te caches pas un peu derrière ce "handicap" quand même ? » (J’ai du mal à commenter ce genre de phrase que je trouve assez violente. Pour moi, c’est un peu comme dire à un dyslexique : Tu pourrais faire des efforts avec ton orthographe, cesse de te cacher derrière ta dyslexie. ») J'ai aussi eu : 
  5. « Ok. » A traduire par : « Je m’en balance de ce que tu me dis. Putain, j’ai tellement envie d’aller dormir… » Ou encore :
  6.  « Toutes mes félicitations ! » (J’ai eu ça aussi comme réaction, j’avoue que ça m’a laissée sans voix.) Et enfin :
  7. « Ca ne change rien de toute façon, tu es toi, tu restes toi. Tu as toujours été comme ça donc...  On te prend comme tu es ! »

Alors cette 7ème proposition est vraiment problématique pour moi. Parce qu’en fait, ça change tout et que justement, non, je ne suis pas du tout moi-même. Il y a tout une partie du test qui aborde la question du camouflage (particulièrement important chez moi, je crois que je cochais absolument toutes les cases du camouflage). Le HPI est en même temps un système cognitif qui aide à gérer le TSA et permet une "meilleure" intégration sociale et en même temps, c’est aussi un système qui apprend à reproduire ce que l’ont voit et à mimer les autres sans que cela n'ai de sens pour nous. Donc, comprendre qu’on a un TSA, c’est aussi se dire : "OUF ! Je peux enfin lâcher. Je peux enfin cesser de m’épuiser à imiter les autres en permanence, j’ai le droit d’être moi-même et d’être différente. J’ai le droit, je suis légitime." C’est extrêmement important comme mouvement. Il y a vraiment un avant et un après diagnostic parce qu’il y a un avant : « Je suis tellement différente, je dois être complètement tarée, il faut absolument que je sois comme les autres. » et un après : « j’ai le droit d’être différente, je ne dois plus me faire du mal pour être ce qu’on attend de moi. »

Pour les personnes qui aimeraient savoir comment bien réagir dans ce genre de cas, je vais vous dire ce qu'il en est pour moi. Personnellement j’ai eu besoin (et j’ai encore besoin) d’écoute et de bienveillance. Par exemple ça donne :

  • "J’ai été diagnostiquée avec un TSA."
  • "Ah bon. (La personne prend acte et sans jugement.) Comment l’as-tu vécu ?"
  • "Ben, je trouve que c’est vraiment très positif, ça explique énormément de choses qui dysfonctionnent dans ma vie."
  • "Très bien, ça te soulage alors ?"
  • "D’un côté oui parce que j’ai des explications, d’un autre côté, je me sens extrêmement seule et c’est difficile de me repérer car je ne sais pas bien ce que ça signifie d’être autiste."
  • "D’accord, je comprends. Puis-je t’aider et si oui, de quelle façon ?"
  • "Ca m’aiderait beaucoup si je pouvais t’exprimer mes limites simplement sans que tu les prennes contre toi, que tu saches que j’ai des incapacités et qu’on trouve des solutions pour respecter mes limites tout en respectant tes besoins. Ca m’aiderait aussi énormément si tu pouvais te renseigner de ton côté sur l’autisme parce que c’est extrêmement fatiguant d’avoir à expliquer et répéter sans cesse les mêmes choses aux gens donc si tu pouvais récolter des informations de ton côté, ça m’aiderait énormément."
  • "Bien sur, je le ferais avec plaisir, je prendrais un peu de temps pour ça, n’hésite pas à me dire clairement les choses si je ne respecte pas tes limites ou si je ne me rends pas compte que tu vis une situation difficile en ma présence."
  • "Merci. Ta sollicitude me touche énormément."

Voilà l'exemple d'un dialogue idéal pour moi dans ce contexte. Je tiens à dire aussi que je préfère entendre quelque chose de simple et d’honnête du type : « Je suis désolé mais ton histoire de TSA, cela me met très mal à l’aise donc je préfère que tu ne m’en parles pas. » Ce ne sera pas agréable à entendre mais chacun a le droit d’avoir ses limites. Je préfère quelque chose d’honnête plutôt que du déni ou des réactions agressives

Quoi qu’il en soit si cela arrive à un de vos proches, essayez de l’accompagner si cela vous est possible et surtout, ne lui demandez par de redevenir la personne qu’il était avant le diagnostic, ce ne sera probablement pas possible.  Voilà, pour moi, l’idéal. 😊

Vous avez le droit d’être en colère, de ne pas être d’accord avec un diagnostic, d’être contre les diagnostics (Oui j’ai rencontré des gens comme ça !) Bref, vous êtes libres de faire vivre vos émotions et vos opinions, simplement partagez tout cela avec une personne non autiste de préférence, ne le faîtes pas auprès de la personne qui vient d’avoir son diagnostic et qui est surement perdue.

Cela me fait penser à mon coming out et à ceux que j’ai pu observer autour de moi.  Il y avait la mère d'une amie qui vivait très mal l'annonce de l'homosexualité de sa fille car cela ne rentrait pas du tout dans ses représentations. J'ai beaucoup aimé sa réaction parce qu'elle a été honnête avec sa fille, en lui disant qu'elle l'aimait et qu'elle allait essayer de s'ouvrir pour elle, pour la comprendre. Elle a contacté des associations de parents de jeunes LGBTQI et en discutant avec eux et en lisant des livres, elle a fait évoluer sa représentation de l'homosexualité. Tout se passe très bien avec sa fille maintenant. Donc je pense que certaines choses peuvent être difficiles à accepter parce qu'on ne les connait pas ou qu'elles sont effrayantes mais si vous souhaitez avancer, vous pouvez contacter des associations qui pourront vous aider à mieux appréhender ce que vit la personne concernée. Par contre, ce n’est pas à cette personne que vous devez vous adresser. C'est très difficile pour une personne en changement d'identité d'accompagner ses proches "résistants à son changement". C'est une trop grosse charge mentale, me semble t-il. 

Enfin, il y a des différences invisibles et le TSA en fait partie. Il n’y a pas une seule façon d’être différent, il y a des tas de façon d’être différent. Moi par exemple, je ne ressemble pas du tout à une lesbienne et je me fais draguer uniquement par des hommes. On m’a souvent dit : « Mais tu ressembles tellement à une hétéro ! » Bon, très bien d’accord. Alors, comment je dois m’habiller, me couper les cheveux et parler pour être crédible en tant que lesbienne à vos yeux ? Est-ce qu’être mariée avec une femme ne suffit pas ?" Eh bien, c’est pareil pour le Trouble du Spectre Autistique ou toutes les différences qui sont invisibles. Ca ne se voit pas mais ce n’est pas pour ça que ça n'existe pas. Sinon, je serais bien la première à le dire : « Evidemment que la Terre est plate, ça se voit. ».

Merci de m’avoir lue, j’’espère que cela a pu vous éclairer.

Je vous souhaite des tas de bonnes choses. Des bises.

Namasté.

Ketrichen.

Quelques liens sur le Trouble du Spectre Autistique

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K
Bonjour Léontine, je comprends ton désarroi. C'est marrant, un de mes psys aussi m'a dit un peu la même chose. Je ne l'ai pas très bien vécu sur le coup et puis après en avoir longuement discuté avec lui, j'ai compris sa peur. (Car c'est bien de cela qu'il s'agissait dans mon cas.) En fait il semblerait que "certaines personnes" suite à un diagnostic d'autisme, cessent de travailler sur elles (psychologiquement j'entends) et donc "s'enferment" dans la case "autisme" renonçant à "évoluer". Je mets beaucoup de guillemets parce que je ne connais personne qui ait ce profil et de mon expérience, il s'agit plus d'une projection de la part du soignant que d'une réalité, mais admettons. J'avais l'intention d'écrire un article sur ce sujet, je creuserais plus longuement la question. <br /> J'en ai parlé à ma famille tout d'abord et j'ai eu plusieurs types de réactions, dont certaines, extrêmement bienveillantes. J'ai eu des gens qui m'ont dit : "Ah mais oui, c'est évident, maintenant que tu le dis!" Ca c'était surtout les amis proches, je crois que cela a aidé dans mon relationnel avec ces personnes. <br /> En ce qui concerne le milieu professionnel.. Sujet difficile. Je l'ai dit à mes cheffes et à certains de mes collègues. Je n'ai pas eu des réactions très agréables, excepté une personne qui connait très bien l'autisme dans sa vie privée. Dans mon milieu pro, ils ont accepté les aménagements que j'ai demandé. MAIS, ça, c'est sur le papier, en théorie. Mon ressenti personnel, c'est plutôt qu'ils attendent que je redevienne comme avant ou que je parte. :P <br /> Tu es totalement légitime d'exprimer tes difficultés ou même ton incapacité éventuelle devant certaines taches du fait de ton autisme. C'est un handicap, il doit être pris en compte. Je comprends que ce soit un gros dilemme pour toi d'en parler ou de ne pas en parler. Tu dois t'écouter et surtout, éviter à tout prix l'épuisement professionnel ou le burn out. Ta santé, me semble t-il est prioritaire parce qu'il est très difficile de se remettre d'un burn out. Personnellement, j'ai décidé de changer de travail à la fin de mon contrat et je suis suivie par une association qui accompagne les personnes asperger dans l'emploi. <br /> Je me suis rendue compte qu'il n'est pas possible de changer l'image que les gens ont de moi, ils m'ont connu d'une certaine façon, c'est trop compliqué pour eux de m'envisager autrement. C'est pourquoi je souhaite partir. Cependant, ton entreprise est peut-être ouverte sur ces thèmes. Tu auras peut-être un accompagnement adapté. Si tu sens que tu en as besoin, il faut probablement le faire mais peut-être peux-tu demander à être accompagnée dans cette démarche? Par la médecine du travail? La Mdph? Une association? Je comprends que tu aies peur d'être vue comme un boulet par certain de tes collègues. Ce sera peut-être le cas mais tu auras peut-être aussi des bonnes surprises. Certaines personnes sont extrêmement à l'écoute et bienveillantes. Quoi qu'il en soit, ma réponse est personnelle, bien entendu, je ne peux plus cacher mon autisme et donc mes limites ça me fait trop de mal. Invisible ou pas, je n'ai pas le choix, j'en parle. ;o)<br /> J'espère avoir pu t'apporter quelques réponses. Bon courage à toi. Namasté.<br /> Ketrichen
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L
Bonjour Ketrichen,<br /> <br /> Je me demandais, suite à votre article, à qui et à combien de personnes vous aviez parlé de votre autisme : cercle familial, amical, professionnel... Vous le comparez à votre coming out, et c'est vraiment comme cela que je le ressens : tout à coup, je décide de dévoiler que j'ai une particularité. Par exemple, je suis en difficulté dans une situation professionnelle, je vis une incompréhension entre mon supérieur et moi, dois-je me sentir en droit de lui dire que c'est parce que je ne fonctionne pas comme lui (a priori) et que je ne pourrais pas réussir ce qu'il me demande de faire ?<br /> <br /> Ma psy me dit de ne pas en faire une carte d'identité : ok mais alors comment exprimer un désarroi dans une situation donnée si tu ne peux pas expliquer pourquoi tu réagis comme ci ou comme ça ? Si je prends un exemple extrême, on ne demandera pas à une personne aveugle de ranger des rayonnages de bibliothèques si les cotes ne sont pas en braille, parce qu'on a conscience de son handicap. Alors pourquoi on demanderait à un autiste de se mettre dans une situation insurmontable pour lui sous prétexte que c'est invisible ? Si on n'explique pas pourquoi ça nous est impossible, l'interlocuteur ne peut pas comprendre, mais révéler cette particularité peut engendrer d'autres problèmes (dans le monde du travail, on peut être stigmatisé et on vous regardera désormais autrement et on ne vous confiera plus de projet, et vous devenez le boulet de l'équipe... on la sent mon angoisse là, ou pas ?).<br /> <br /> Bref, comment avez-vous gérer cette "révélation", à qui avez-vous parlé ou pas ?<br /> <br /> Je vous remercie de m'avoir lue,<br /> Léontine
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